Octobre 1995 N°1

Ed. resp. : E. J. Crema

 

En cet automne monotone, deux films secouent la torpeur des amateurs de cinéma. LISBONNE STORY de Wim WENDERS, et TERRE ET LIBERTE de KEN LOACH. Dans le premier la lumière du Portugal nous permet de découvrir un ingénieur Européen parlant allemand qui déambule à la recherche de son ami cinéaste, celui-ci l'ayant appelé pour qu'il sonorise son film. Au fur et à mesure qu'il cherche son ami en se servant des images qu'il a trouvées chez lui, les sons de la ville du sud nous occupent. Les rires des enfants et la musique du groupe musical MADREDEUS, animent cette quête de l'ami égaré. Tout ceci a le mérite de rappeler qu'un film n'est pas qu'images, mais tout autant voix, bruits et musique, mais surtout sert de trame à une réflexion sur la production et la fonction de l'image aujourd'hui. Certains estiment que ce film marque une rupture dans la recherche entreprise par Wenders d'un cinéma plus pur et surtout plus moral. En fait il n'en est rien, c'est la technique qui change, une histoire est réintroduite dans le film par le biais de Lisbonne et l'amitié de deux hommes, mais le discours critique du cinéma actuel se poursuit même si adoucit. En effet la dénonciation de l'image qui n'a pour but que de vendre quelque chose, vise aussi bien l'image publicitaire que l'image de propagande. L'intervention de Manoel de Oliveira même si elle n'est pas limpide, est une dénonciation des risques de manipulation par l'image. Il est impossible de nier l'importance qu'a ce débat sur le pouvoir de l'image aujourd'hui dans le monde. Dans ce sens ce film est une très bonne contribution. En annexe au thème central le cinéaste Allemand nous pousse à réfléchir au sort de nos villes, en détruisant l'environnement on détruit l'histoire et la mémoire des habitants, il nous le montre à travers les vieux quartiers de Lisbonne. On peut s'interroger par contre sur le sens à donner à la mise en scène de l'enfant sourd et muet qui filme à la place du cinéaste, et des autres enfants devenus des "vidiots", peut-être, Wenders sent qu'une conséquence de la généralisation de la production d'images est la possibilité de l'apparition d'un type de consomateurs-producteurs d'images qui voient mais qui n'entendent plus et surtout n'ont plus rien à dire.

 

Le film de Ken Loach est A VOIR ABSOLUMENT. ll rend honneur aux combattants anti-franquistes et anti-staliniens pendant la guerre d'Espagne.

Il est difficile de trouver des nouveaux éloges à formuler au sujet de ce film tant il en a eu, et à juste titre, nous préférons donc rappeler à notre souvenir des noms de combattants vivants ou morts qui ont laissé des textes sur la révolution espagnole dans l'espoir qu'il seront lus, étudiés et débattus en leur hommage, et pour que les temps nouveaux ne ressemblent pas aux temps de l'avant deuxième guerre mondiale.

Andres Nin, Joaquim Maurin, Durruti, Berneri C., Trotzky,.Orwell, Gramsci, V.Alba,.Diego Abad de Santillan, Artur London, Arlandis, Ibanez, Juan Andrade, Wilebaldo Solano, Javier Bueno, Loredo Aparicio, Emiliano Garcia, Araquistain, Julian Gorkin, Pedro Bonet, Juan Peiro, Juan Lopez, Ricardo Sanz, Garcia Oliver, Ascaso, Munis, L.Fersen, Carlini, J.Rous, Bob Smilie, Kurt Landau, Hippo Etchebehre, Mika Etchebehere, Willi Brandt, Manuel Fernandez Grandizo, Monsieur et Madame Tehlmann, Pietro Nenni, Moulin, Erwin Wolf (N.Braun),.Federica Montzeny, Jaime Miravitlles, José Calvet, Amadeo Robles, Xanti, Felix Morrow, Salvador de Madariaga.

Et des milliers d'autres dont nous n'avons malheureusement pas les noms ni les textes.

Voici pour mémoire un bref commentaire de l'historien Pierre Broué sur ces événements :"La guerre civile Espagnole a eu lieu entre le VII congrès de l'Internationale communiste- au cours duquel fut nettement affirmée l'institution du "centre soviétique" comme direction unique des Partis Communistes- et la dissolution finale de l'internationale Communiste en 1943. La lutte contre les "incontrôlables", la "chasse aux sorcières trotskistes", la campagne de meurtre contre le Parti Ouvrier d'Unification Marxiste coïncident dans le temps avec les deux premiers procès de Moscou et la grande purge stalinienne appelée la Iejovtchina. L'exécution, à la veille de la guerre, des plus connus sinon de la quasi totalité des "Espagnols" (Russes ayant combattu en Espagne) semble bien n'être pas sans rapports avec la préparation du renversement des alliances qu'allait constituer le pacte germano-soviétique : elle aurait alors signifié la liquidation préventive d'"antifascistes" trop convaincus par leur expérience espagnole pour demeurer des hommes sûrs aux yeux du maître du Kremlin."

 

PORTUGAL: Victoire de la gauche ou défaite de la droite néo-libérale?

En 1974, lors du IV ème gouvernement provisoire, en cette année de ce que fut la plus grande offensive des salariés contre la domination du capital, Mario Soares, se dotait d'un adjoint, celui-ci s'appelait Antonio Guterres. Ce fut en cette période de grande mobilisation sociale que tous les deux expliquèrent aux masses qu'ils risquaient de tomber sous la dictature de l'anarcho-populisme gauchiste...

Grâce à cette analyse le premier devint le fossoyeur de la révolution des oeillets et quelque temps plus tard président du pays. Depuis 1986 Soares a gouverné avec les libéraux , par contre Guterres pratiqua une opposition respectueuse des institutions Européennes et locales tout en dénonçant les aspects les plus anti-populaires des plans économiques des libéraux ce qui lui vaut ces 43,8% des   voix actuelles.

A peine élu premier ministre, il s'est engagé à respecter la démocratie, en fait il appelle à créer une nouvelle culture démocratique, mais il réaffirme sa volonté de continuer les privatisations. Il est important de rappeler que la droite a fait une campagne très nationaliste et hyper libéraliste sur le terrain économique, allant même jusqu'à dénoncer l'union Européenne comme une entité anti-portugaise et socialisante...

Dans ce contexte on ne peut que se réjouir de la large majorité obtenue par la gauche dans son ensemble même s'il n'y a pas d'unité et qu'il est un peu arbitraire d'additionner ses voix. Néanmoins ce résultat montre une nouvelle dynamique au sein de l'électorat, qui devrait dans les mois prochains se traduire par une relation légèrement différente entre les syndicats et le gouvernement, les premiers sans doute estimant que la victoire doit se concrétiser par des changements réels par rapport aux gouvernements de droite, les seconds sans doute voudront temporiser pour ne pas donner l'impression aux investisseurs qu'ils n'ont pas les moyens de contrôler leur base . La Coalition démocratique unitaire maintient ses positions autour de 8,3 %et l'extrême-gauche très divisée obtient un score proche des 3 %.

Malgré le fait que le PS n'obtienne pas la majorité absolue il doit pouvoir donc gouverner sans être trop inquiété dans un premier temps ni sur sa droite ni sur sa gauche. Il n'empêche que les salariés et les chômeurs attendent d'eux la solution aux problèmes économiques et sociaux , notamment du chômage (7%) et de l'émigration.

E. J. Crema

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