Visions estivales

Par Enrique Juan Crema

Les excuses des différents gouvernements européens semblent bien timides au regard de l'indignation qu'a soulevé en AMERIQUE LATINE le traitement illicite qui a été infligé au président élu de la BOLIVIE M. Evo Morales. Dans la description des faits, tels qu'ils ont été décrits par les différents organes de presse, il apparaît que ces gouvernements obéissaient sans aucune réserve à  un ordre qui venait directement de l'exécutif des ETATS-UNIS. Il s'agissait tout simplement d'arrêter M. Edward Snowden. Ceci est un aveu des puissants; en effet, cela leur pose manifestement un problème qu'un ex-mandataire du Pentagone révèle que nous sommes toutes et tous intimement surveillés, aussi bien sur nos téléphones que sur nos ordinateurs. Donc, au-delà du traitement délictueux infligé à un président élu d'un pays souverain, tout ceci aurait une autre signification si nous ne vivions pas dans un système politico-économique qui serait fondé sur les libertés individuelles.

Ce que nous savons depuis l'Opération Condor en AMERIQUE LATINE et les différentes arrestations de citoyens, notamment en ITALIE, est qu'il est possible au nom de la lutte contre le terrorisme d'être facilement dans le collimateur des différents organismes tels que NSA, Gladio, P26 et autres CIA. Organismes tous ayant été fondés soit disant pour préserver les libertés démocratiques d'un monde dit libre. Ces différents faits démontrent qu'il est temps qu'en EUROPE aussi les démocrates et les citoyens de gauche s'organisent pour exiger le respect des droits à l'intimité et à la privacy. Nous osons espérer que les autorités helvétiques se sentent concernées par ces violations flagrantes des droits essentiels par le gouvernement des ETATS-UNIS et que des questions précises lui seront posées, car logiquement si leur système électronique permet un contrôle de l'ensemble de l'EUROPE, nous sommes aussi directement concernés.

Austérité plurielle

Sur le plan économique, les mesures d'austérité prises par l'ensemble des gouvernements bloquent plus que jamais les possibilités d'une quelconque relance. Les chiffres de l'économie allemande pour le premier semestre 2013 démontrent qu'elle-même marque le pas. Les gouvernements du sud de l'EUROPE qui, chaque jour, perdent plus de crédibilité, continuent à appliquer aveuglement une politique de destruction de droits sociaux, de limitation de pouvoir d'achat pour les personnes âgées, ceci dans une incapacité de relancer la création d'emplois. C'est un scénario à la grecque qui se présente maintenant aussi bien pour l'économie espagnole que portugaise. Ce qui ne pourra qu'aggraver les conditions du peuple travailleur et complexifier à l'extrême la vie politique de l'ensemble de la Méditerranée.

En ESPAGNE, M. Rajoy est accusé de recevoir depuis des années illégalement des sommes d'argent et son discrédit politique augmente chaque jour. La gauche demande sa démission, mais il refuse sans doute parce que le fractionnement de l'opposition est tel qu'il pense avoir encore une base sociale suffisante pour continuer à gouverner, même si les sondages laissent supposer qu'il n'a plus de majorité politique. Par ailleurs, le nationalisme interclassiste basque et catalan se renforce aux dépens de la gauche, sauf en ANDALOUSIE où la gauche de la gauche politique et syndicale se développe.

En AFRIQUE DU NORD, si les Frères musulmans occupent en permanence les places d'EGYPTE sans parvenir néanmoins pour l'instant à plonger le pays dans un désordre complet, il est inquiétant que l'on doive s'en remettre à l'armée pour construire une démocratie; il est vital de soutenir le mouvement syndical et les partis de gauche. En TUNISIE le gouvernement islamique est aux abois et ne devrait pas pouvoir tenir en place longtemps. Au MAROC, la monarchie montre son incompétence dans l'affaire des criminels, pédophiles, libérés avec la complicité du roi d'ESPAGNE; il faut espérer que l'indignation internationale déclenchée par cette affaire permette à l'intérieur aux démocrates et à la gauche marocaine et espagnole de conquérir des nouveaux espaces d'auto-organisation démocratique et sociale.

On peut se demander en cet été 2013 vers quoi s'achemine la FRANCE. Le président est en vacances et l'extrême-droite semble à l'offensive dans tous les domaines. La crise économique mondiale donne la possibilité aux différents courants de droite extrême de s'implanter à un niveau de masse, là comme dans le reste de l'EUROPE. L'augmentation du chômage qui a atteint 12,8% de moyenne sur le continent européen est le problème principal, que cette évidence soit mal interprétée et incomprise par les tenants du libre marché n'a rien d'étonnant, mais qu'un gouvernement se disant socialiste le comprenne si mal est extrêmement inquiétant. Car le chômage ajouté aux bas salaires et à l'augmentation des prix, déclenche une dynamique de pauvreté de masse en FRANCE comme ailleurs, et risque de mettre ce pays dans des scénarios semblables à ceux de la GRÈCE, le PORTUGAL, l'ESPAGNE ou l'ITALIE.

La condamnation pénale confirmée du toujours Sénateur M. Berlusconi ne fera pas forcément tomber dans l'immédiat le gouvernement de M. Letta. Mais divisera à coup sûr le Parti Démocrate entre ceux qui voudraient continuer à gouverner avec le parti de M. Berlusconi et ceux qui considèrent à juste titre qu'il est impossible de gouverner avec les ministres aux ordres de M. Berlusconi. M. Matteo Renzi continue à affirmer (7 août 2013) qu'il soutient toujours le gouvernement... Ces vicissitudes des dominants italiens comme celles de M. Rajoy (4'698'400 chômeurs en ESPAGNE) d'ailleurs sont d'autant plus graves que les facteurs économiques essentiels se dégradent; il devient évident que les seuils de pauvreté sont franchis et que la misère frappe non seulement au sud mais aussi dans les grandes villes comme Milan ou Turin. Les services sociaux italiens parlent aujourd'hui de huit millions de personnes au seuil du minimum vital. La gauche italienne, malgré le fait qu'elle ait gagné les dernières élections de février 2013, ne parvient pas à s'unifier, ni à son interne ni avec le Movimiento Cinque Stelle (M5S). Cette division la rend très vulnérable face à la droite. La relance de Forza Italia de la part de M. Berlusconi vise à unifier toute la droite autour de sa personne et à déplacer son axe du centrisme vers la droite extrême. L'objectif étant de faire tomber le gouvernement actuel au moment le plus opportun électoralement et même à la fin de l'année si le Parlement, suite à sa condamnation, remettait en question son mandat parlementaire. En attendant, les organisations d'extrême-droite telles que la Lega de M. Maroni, la Destra de M. Storace et  Forza Nuova préparent les prochaines élections par une criminalisation quotidienne des immigrés. Ce panorama doit nous inciter à débattre sur les conséquences possibles de cette crise économique et politique dans notre pays, car en SUISSE aussi le chômage, les "working poor", les personnes au revenu d'insertion ainsi que les prix augmentent. C'est-à-dire que ces éléments de fragilisation du tissu social et des rapports entre les dominants et les dominés se modifient aussi dans ce pays. C'est pourquoi il faut saluer les secteurs syndicaux (Travail-suisse, Sud, SSP et d'autres) qui, cet été, ont pris l'initiative de demander une augmentation de salaire en la légitimant par des arguments qui rappellent que les salariés ont fait des sacrifices ces dernières années qui méritent un rattrapage concret. De plus, il faudra au plus vite que la gauche se mobilise pour mettre fin à l'inégalité fiscale des familles dans les différents cantons de SUISSE, car il est scandaleux par exemple qu'à Zoug, on paie six fois moins qu'à Neuchâtel pour une famille avec deux enfants dont le revenu est de Fr. 100'000.

 

A LIRE

Un livre extrêmement intéressant qui évoque un épisode douloureux mais obscur dans l'action du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) au Liban. Cauchemar au pays des cèdres : les otages suisses du Liban, par Michel Amiguet, Editions l'Age d'Homme, Lausanne, Suisse.

Un roman traduit de l'espagnol de Carlos Salem, Aller simple. Editions Babel Noir, une collection de livres de poche.

De Philip Kerr, Hôtel Adlon, Le Livre de Poche - policier. Les aventures d'un détective dans la République de Weimar et dans le Cuba de Batista. A lire sans tarder.

A lire et à relire : Meurtres exquis d'Ernest Mandel, Histoire sociale du roman policier, Préface de Jean-François Vilar, Editions La Brèche.

Un roman historique de Catherine David, L'homme qui savait tout, Editions du Seuil, Collection Points. Il évoque la vie de Pic de la Mirandole.

 

De Daniel Bensaïd, Le nouvel internationalisme contre les guerres impériales et la privatisation du monde, Les Editions Textuel, Collection La discorde.

 

En italien : a lire absolument

Estrema destra, de Guido Caldiron, "Chi sono oggi i nuovi fascisti? Un'inchiesta esclusiva e scioccante sulle organizzazioni nere in Italia e nel mondo". Newton Compton Editori.

"Guarda la cocaina, vedrai polvere. Guarda attraverso la cocaina, vedrai il mondo." ZeroZeroZero, de Roberto Saviano, Narratori-Feltrinelli.


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