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SUISSE: NON A ECOPOP ITALIE - BOLIVIE - GUERRES AUX FRONTIERES EUROPENNES Par Enrique Juan Crema Non à l'initiative xénophobe et isolationniste d'ecopop L'initiative «Halte à la surpopulation» déposée par Ecopop est mise à votation le 30 novembre 2014, les électeurs suisses devront donc pour la deuxième fois cette année se prononcer sur une initiative qui a pour seul et unique objet de limiter la population immigrée résidente. Le solde migratoire, les arrivées moins les départs, ne devrait pas excéder 0.2% par an, ce qui équivaut actuellement à 17'000 personnes par année. Une fois de plus l'extrême-droite suisse, utilisant tous les problèmes non résolus du pays, désigne les étrangers - mais cette fois pas les frontaliers - comme le bouc émissaire. Dans le calcul du solde migratoire, ils n'établissent d'ailleurs aucune différence entre les étrangers et les suisses de l'étranger, cette aberration est le produit d'une pensée qui pose comme postulat que nous serions un pays surpeuplé et que le responsable serait l'idéologie de la croissance, qui empêcherait un développement durable. C'est sans doute ce dernier argument qui risque par ailleurs d'attirer une partie de l'électorat écologiste qui manie ces concepts parfois de manière imprudente et avec peu de sérieux face à l'extrême-droite qui domine actuellement une forte partie de l'électorat suisse. Le groupe Ecopop est originaire du courant «écolo» d'un proche de James Schwarzenbach, Valentin Oehen, dirigeant de l'ancien parti Action Nationale devenu les Démocrates Suisses d'aujourd'hui. La caractéristique de ce groupe depuis les années 1970 est d'agiter d'une manière permanente le concept de surpopulation, autrement dit la vieille angoisse de «l'espace vital» dont l'origine est aussi bien dans l'eugénisme que dans les obsessions de l'extrême-droite des années 1930, notamment chez les hitlériens. L'arrière-fond colonialiste de cette initiative apparaît par le fait qu'elle aurait aussi pour résultat d'octroyer des fonds financiers à des structures étatiques helvétiques pour aller contrôler les naissances dans les pays non européens, donc d'exercer un contrôle des naissances dans les pays en voie de développement. Le fait que cette initiative, qui a l'appui de l'Association Suisse pour une Suisse Indépendante et Neutre liée à M. Christoph Blocher et à l'UDC, soit portée par Mme Marie Rey qui se dit socialiste, démontre la confusion qui règne même dans une partie de la social-démocratie sur des thèmes comme le contrôle des naissances, l'immigration, ou la croissance économique. C'est pour toutes ces raisons que cette initiative est particulièrement dangereuse, car elle pénètre le champ politique suisse d'idées fausses qui ne tiennent compte d'aucune manière des réalités de l'économie suisse, mais non plus de la réalité de l'«être ensemble», car quoi que disent les racistes et les xénophobes, l'immigration est indispensable non seulement pour faire fonctionner l'économie capitaliste, mais aussi pour maintenir tout simplement certains équilibres démographiques, dont dépend notre système de sécurité sociale, dans l'ensemble des pays européens. D'autant plus que la Suisse comme l'ensemble des pays européens sont dans une économie de libre concurrence, dans laquelle l'Etat ne contrôle pratiquement plus aucun facteur de production ni de distribution des richesses; donc avancer des chiffres de population n'a aucune utilité dans le débat politique, et cela est dangereux. Est-ce que dans une prochaine initiative, demanderont-ils à la population du pays, de réduire le nombre de naissances ? Au nom de la préservation de la nature ? Pour toutes ces raisons, il est important que les suisses raisonnables et les immigrés se lèvent pour refuser cette initiative et stopper ces courants politiques d'utopistes réactionnaires, qui nous empêchent systématiquement de parler des vrais problèmes (chômage, working-poors, augmentation du nombre de personnes à l'assistance sociale, loyers en hausse, manque d'infrastructures modernes ferroviaires et routières, isolement international) par des initiatives absurdes. Pour plus d'informations, voir à ce sujet Le Courrier du 11 octobre 2014, page 7 et Le Courrier du 14 octobre 2014, page 5. Italie M. Matteo Renzi, dirigeant du Parti Démocratique d'Italie, a obtenu lors des dernières élections européennes une victoire éclatante de 40% des votes exprimés. Ceci a confirmé le fait que le centre-gauche reste en Italie la force principale de ce pays. Au vu de ce résultat, on pourrait se dire que cela ouvre une période de stabilité politique qui permettrait au gouvernement qu'il dirige, en alliance avec M. Silvio Berlusconi, de faire passer la politique d'austérité demandée par Mme Angela Merkel. Politique dont le principal problème parmi les paramètres imposés sur le plan économique est la dette publique. Or, c'est justement cette exigence qui approfondira dans les mois qui viennent les contradictions internes. En effet, l'Italie est en récession depuis 2011, les chiffres avancés pour 2014 la placeraient à -1% voire même -2% de croissance. Dans un contexte de stagnation, particulièrement fragile pour l'ensemble des économies européennes, la récession italienne créera des difficultés non seulement à l'intérieur mais aussi à ses partenaires et voisins, tels que la Suisse, l'Allemagne et la France. Dans le champ politique, l'alliance Renzi-Berlusconi visant à réduire la dette publique en agissant sur le marché du travail, fondamentalement sur le fonctionnariat mais aussi par une réduction des subventions dans le privé, plonge l'Italie dans un scénario du type espagnol. Même si un certain contrôle des budgets de l'Etat s'est mis en place ces dernières années, aucune mesure réelle de relance de création d'emplois n'a été mise sur pied. Le Movimiento 5 Stelle (Mouvement 5 Etoiles - M5S) avait gagné les élections avant les européennes, devenant en fait la principale force politique du pays face à ses concurrents qui étaient des coalitions à plusieurs composantes contradictoires. Il n'est donc pas impossible que malgré la défaite aux européennes, ce courant soit actuellement la principale opposition à laquelle s'affronte le gouvernement. La question reste posée de savoir quelle est la nature de ce mouvement. Pour le moment, les éléments les plus évidents sont les suivants : au niveau européen, l'alliance avec une des composantes de l'extrême-droite anglaise les place clairement dans une position anti-Euro, d'ailleurs ce dimanche 12 octobre 2014, M. Beppe Grillo a annoncé le lancement de la récolte de signatures pour demander un référendum sur cette question. Sur le plan interne, la fraction parlementaire mène une opposition très conséquente sur l'abaissement du coût de la politique parlementaire par une contestation radicale de tous les frais occasionnés par le fonctionnement des exécutifs et des législatifs, aussi bien au niveau communal que régional et de l'Etat central. Il est évident que ce courant se renforce par l'affaiblissement sociologique des syndicats, la disparition de postes de travail affaiblit objectivement les syndicats d'une part, et la division politique extrême de la gauche critique joue en sa faveur. Cependant, l'alliance avec les anti-européistes anglais engendrera au M5S des divisions, une partie de la base ayant plutôt une sensibilité de gauche et écologiste et une autre partie étant clairement anti-systémique et venant de la vieille extrême-gauche, la direction actuelle devra tôt ou tard se confronter à un fait sociologique qui est que l'essentiel de ses électeurs sont des salariés ayant une subjectivité de «petites gens» opprimés. Par ailleurs, la gauche non gouvernementale est très affaiblie suite aux divisions du courant communiste, notamment de l'affaiblissement du parti Rifondazione Comunista (Refondation Communiste). La gauche de la gauche a obtenu aux élections européennes, toutes listes confondues, un score autour de 7% au niveau national. En ce début d'automne, les différentes organisations syndicales majoritaires et surtout la FIOM (Fédération Industrielle des Ouvriers de la Métallurgie) préparent des mobilisations avec des manifestations au niveau national pour les prochaines semaines. Donc, le gouvernement Renzi-Berlusconi devra faire face à ces deux secteurs d'opposition. A l'heure qu'il est, il est difficile de savoir si ces deux secteurs de la société italienne combattent pour un même projet. Sur le moyen ou long terme le M5S étant très ambigu sur la question syndicale malgré le fait que la majeure partie de son électorat est salariée. Dans cette crise italienne, il y a aussi un troisième sujet politique qui semble s'autonomiser de progressivement par rapport au projet gouvernemental d'austérité appuyé par Forza Italia, ce sont les différentes structures d'extrême-droite. Ce courant est constitué avant tout de la Lega-Nord (Ligue du Nord), qui se positionne de plus en plus sur une alliance européenne avec le Front National, mais est contestée sur sa droite par les différents Fratelli d'Italia (Frères d'Italie), La Destra (La Droite) de l'ancien ministre de M. Berlusconi M. Storacce, Forza Nuova (Force Nouvelle), Casa Pound, Alternativa Sociale (Alternative sociale) de Mme A. Mussolini, Movimento Studentesco (Mouvement Etudiant), ainsi que différents groupuscules d'ultra-droite violents, dont Militia. Ce dernier groupe de Rome est ouvertement antisémite, raciste et se dit d'idéologie «anarcho-fasciste». Sur le terrain électoral, l'ensemble de ces forces extrémistes sont autour de 10% au vu des résultats des deux dernières votations; en revanche, au quotidien ils se révèlent de plus en plus dangereux par leurs actes sur le terrain qui consistent à attaquer physiquement les immigrés, les militants d'extrême-gauche, souvent sous prétexte de s'attaquer à la criminalité, notamment par la création de patrouilles urbaines qui se présentent à la population comme étant des forces auxiliaires de police dans les quartiers populaires. Au sein du PD (Parti Démocratique) et de la SEL (Gauche Ecologie et Libertés), le débat existe entre une aile droite dont M. Renzi est le chef incontesté et quelques courants de gauche minoritaires, courants tentant de modérer la politique d'austérité, tout en respectant les critères de l'Union Européenne. Mais ce débat est confus et n'est pas à la hauteur de la situation de plus en plus fragile, il n'a pas comme centre de gravité la nécessité de défendre les postes de travail et les salaires. Donc, il ne correspond pas à la situation. Les prochaines semaines démontreront si la gauche syndicale et politique peut se mobiliser suffisamment pour infléchir au moins la politique de ce gouvernement. Mais cela n'empêchera pas, compte tenu de la stagnation européenne provoquée par les politiques d'austérité, l'apparition d'une très forte polarisation de différentes classes. La guerre aux frontières de l'europe La situation européenne actuelle ne se caractérise pas seulement par l'extrêmement faible croissance économique, mais aussi par l'apparition de batailles militaires aux portes de l'Union Européenne. En Ukraine ces jours-ci le gouvernement ukrainien et russe, sous la pression du désastre économique que cette situation peut provoquer, tente sous l'égide de l'Union Européenne et de l'OTAN, de ramener l'affrontement militaire à un niveau qui permette aux deux directions politiques de ne pas se décrédibiliser vis-à-vis de leur base sociale et électorale. Mais sur le terrain, l'affrontement militaire continue chaque jour avec son lot de morts et de misère. L'Union Européenne s'étant montrée incapable de jouer un rôle réel de médiation pour empêcher cette guerre, les Etats-Unis en profitent pour pousser leurs pions, non seulement dans les Pays Baltes mais au sein même de l'Ukraine. Le renforcement du dispositif militaire de l'OTAN ne peut en aucun cas encourager M. Vladimir Poutine ni les Russes d'Ukraine à arrêter les actions militaires. La bourgeoisie allemande et scandinave, une fois de plus comme dans le passé, joue avec le feu de la question ukrainienne, car accepter le positionnement des forces de l'OTAN aux frontières occidentales de la Russie n'est pas la meilleure manière de montrer sa volonté de paix et prospérité aux Russes. Par ailleurs, que l'Union Européenne signe un accord avec le gouvernement ukrainien, accord essentiellement politique plus qu'économique, est un fait démagogique qui laissera croire au peuple travailleur ukrainien que l'Union Européenne est en état de leur apporter la prospérité, alors qu'elle se montre à l'heure qu'il est incapable d'aider le Portugal, l'Espagne, la Grèce, l'Italie à sortir de la crise. Sur l'autre front européen, la guerre en Syrie et en Irak déborde ces jours-ci non seulement aux frontières de la Turquie, mais aussi aux frontières du Liban, des combats ayant eu lieu ces derniers jours sur les deux frontières. A l'heure où M. Barack Obama annonce la reprise quotidienne des bombardements en Irak, il ne faut pas s'étonner que la presse dominante en Europe ait censuré les interventions de la Présidente argentine Mme Cristina Fernández de Kirchner lors du débat aux Nations Unies, lorsque la diplomatie argentine, par la voix de sa présidente, a rappelé que ce sont les Etats-Unis qui ont armé les islamistes intégristes en Afghanistan d'une part, et d'autre part que les Etats-Unis ont déjà bombardé et envahi l'Irak. Cette intervention finissait par une interpellation au Président M. Obama, dans laquelle elle lui demandait de réfléchir au fait que les mêmes méthodes utilisées par le passé risquaient de produire les mêmes mauvais résultats. Bolivie : election presidentielle A l'heure qu'il est, après le dépouillement de 65% des votes exprimés aux élections présidentielles boliviennes, selon la presse la plus hostile, M. Evo Morales serait élu à 53% et selon la presse la moins hostile à 61%, M. Morales lui-même avançant 55%. Ceci démontre que ce gouvernement pour l'essentiel est en phase avec la majorité du peuple travailleur bolivien, et réaffirme sa volonté de ne pas retourner vers le passé. Ces résultats confirment l'adhésion à la nouvelle Constitution, au processus de prise de contrôle d'une partie de la rente du pétrole et du gaz et la mise en place d'un système de redistribution des richesses qui correspond aux besoins objectifs des couches les plus pauvres du prolétariat. Une partie de la presse sous influence impérialiste polémique autour de la loi qui autorise le travail des enfants dès dix ans. Mais sans pour autant apporter des indications au sujet de l'exploitation des enfants dans toute l'Amérique latine. Et surtout oublie qu'il y a dix ans, la Bolivie était le deuxième pays le plus pauvre d'Amérique latine et que dans ce contexte, les larges fractions des enfants travaillaient en dehors de tout cadre légal, souvent même avant dix ans. Ceux qui polémiquent à ce sujet devraient tenter de comprendre mieux le processus d'émancipation des pays latino-américains dans les détails et proposer des aides financières concrètes ou des meilleurs accords commerciaux qui permettent le développement humain solidaire en Bolivie comme dans les autres pays d'Amérique latine. Ceci afin que les gouvernements latino-américains et européens puissent tous interdire le travail des enfants avant seize ans. En attendant, La Lettre Libre salue la victoire d'Evo Morales et appuie le peuple travailleur bolivien dans cette phase de son développement. Copyright © La Lettre Libre 15 octobre 2014 Tous droits réservés. La reproduction de ce qui est publié est consentie, à condition de citer la source et l’auteur, et soumise au droit d’auteur.Copyright © La Lettre Libre |
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