SUISSE – 10 novembre 2010

Rage et tristesse contre la xénophobie

Une certaine presse a commenté le fait que Madame Ada Marra, émue aux larmes lors du Congrès du Parti Socialiste, a demandé à ses camarades d’avoir du courage politique, celui de refuser l’initiative de l’UDC et le contre-projet visant à expulser les criminels étrangers pour des délits et des peines même s’ils sont nés en Suisse. Je salue l’engagement sur cette question de la Conseillère nationale vaudoise au sein du Parti Socialiste.

Je pense que ces larmes seront parfaitement comprises par tous les enfants d’immigrés qui ont connu et connaissent l’angoisse d’avoir à renouveler chaque année ou tous les trois ans un permis de séjour, alors que le seul délit commis par les immigrés est celui de changer de pays afin d’améliorer leur sort.

Toutes les personnes d’origine étrangère qui ont vécu ou qui vivent encore cette échéance qui consiste à avoir à renouveler le permis de séjour se seront reconnues sans aucun doute dans cette attitude de rage et de tristesse à la fois. Tous les enfants d’immigrés connaissent cette angoisse, car ils l’ont vue dans les visages de leurs parents, à chaque fois qu’ils les ont accompagnés dans les services de renouvellement. Tous ceux qui auront grandi en se posant la question « est-ce que nous aurons un permis de séjour valable l’année prochaine, ou dans trois ans ? » se seront reconnus dans l’image que la télévision nous a livré.

Car les tenants de « l’ordre » et de « la loi » de l’UDC dans leur fuite en avant xénophobe, oublient l’essentiel : c’est l’inégalité des chances dès la naissance qui est fondamentalement la source de la criminalité. En Suisse, depuis l’époque des initiatives du mouvement républicain de Schwarzenbach, l’extrême-droite a bloqué tous les projets visant à donner une certaine égalité des chances, que ce soit à l’école, dans les apprentissages ou à l’université. Il est donc trop facile de donner aujourd’hui des chiffres pour démontrer qu’il y a un pourcentage important d’étrangers dans les prisons helvétiques. Il suffit pourtant de se rappeler les procédures extrêmement restrictives qui existent dans la plupart des cantons, des procédures de naturalisation pour savoir que tout ceci ne peut que créer une logique d’apartheid.

Quand l’extrême-droite prétend que la Suisse est le pays qui a le plus d’étrangers au monde, elle ne fait que fabriquer un énorme mensonge car l’inexistence d’un droit du sol oblige tous les enfants d’immigrés étant nés en Suisse à passer par des procédures sévères, onéreuses et souvent humiliantes pour obtenir la naturalisation. Donc, les chiffres donnés aussi bien par l’UDC que par le Conseil fédéral sont des chiffres partiellement faux.

Dernièrement, lors d’un débat public à Lausanne, Madame Anne-Catherine Ménétrey a posé à l’assemblée la question suivante : « en quoi un délit ou un crime ou un abus d’assistance est-il plus grave parce qu’il est commis par un étranger plutôt que par un Suisse ? ».

Evidemment, ce n’est pas l’UDC qui répondra correctement à cette question car le but de ce parti est de diviser systématiquement le peuple travailleur entre suisses et immigrés au nom d’une logique basée sur le droit du sang compris d’une manière barbare.
Mais le Conseil fédéral actuel n’entrera pas non plus dans le vrai débat qu’ouvre la question de Madame Anne-Catherine Ménétrey, car le seul but est de consolider la subordination constante et permanente des immigrés et de leurs enfants par un quadrillage de lois de plus en plus sévères, de manière à ce que tout immigré comprenne que s’il obtient un permis de séjour, c’est pour qu’il reste de la main-d’œuvre et rien d’autre que de la main-d’œuvre, c’est-à-dire des travailleurs subalternes, dociles, productifs et surtout bon marché et ne se mêlant pas des affaires de la classe dirigeante du pays.

Quant à ceux qui sont sérieusement préoccupés de la montée du chômage, de la stagnation des salaires, de l’augmentation des primes de caisses-maladie, du désespoir des jeunes et des moins jeunes, autrement dit des vraies causes de la criminalité, votez deux fois NON le 28 novembre 2010 aux fausses solutions proposées par l’initiative de l’UDC et le contre-projet du Conseil fédéral. Je les invite à se mobiliser pour faire respecter les droits syndicaux au sein des entreprises et à lancer des initiatives visant à donner dans tous les cantons des droits politiques pour les immigrés au niveau communal et cantonal, pour construire une Suisse réellement démocratique.

Enrique J. Crema

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