DEBUT 2016 : DANS L' EMBOURBEMENT NEO-LIBERAL

Par Enrique Juan Crema

Ce début d'année 2016 est marqué, sur le plan économique, par une stagnation de l'économie capitaliste mondiale ; le ralentissement de la croissance chinoise et le fort ralentissement des économies latino-américaines, notamment du géant brésilien, n'est en aucun cas rééquilibré par la très relative embellie de l'économie étasunienne. Dans cette conjoncture économique, l'Europe connait une situation économique morose qui s'aggrave par les politiques d'austérité menées par les gouvernements en place.

C'est dans ce contexte délétère que la guerre syrienne s'invite dans la politique quotidienne par l'afflux des réfugiés vers le cœur du continent. La majorité des gouvernements européens n'ayant pas réussi à décider une politique globale d'accueil, car sont sous la pression des différentes extrêmes-droites, et les gouvernements d'ores et déjà influencés par les pires mouvances xénophobes, cèdent et mettent en avant des solutions aléatoires. Ce mois de janvier 2016 a été marqué par une critique acerbe de la direction de l'Union Européenne contre les gouvernements grec et italien qui n'empêcheraient pas l'arrivée des réfugiés vers les pays du nord. Cette critique est d'autant plus injustifiée que l'Europe du Nord n'a, ces dernières années, fait aucun effort pour financer les structures d'accueil nécessaires par des fonds européens, ni en Grèce, ni en Italie. Les gouvernements de ces deux derniers pays problématisent à leur tour le gouvernement turc et l'accusent de renvoyer les réfugiés syriens, afghans et kurdes vers l'Europe, mais sans dénoncer la politique répressive de la direction turque contre la gauche et le peuple kurde. Force est de constater que cette politique d'irresponsabilité dans l'accueil de ces réfugiés de guerre est instrumentalisée chaque jour par les extrêmes-droites qui trouvent une base sociale non seulement dans les classes moyennes, mais aussi dans des couches populaires précarisées par les politiques d'austérité.

Suisse

Dans ce contexte, la droite helvétique, en octobre 2015, a remporté une victoire très importante aux élections fédérales face à un Parti Socialiste qui a mené une campagne faible, peu lisible, et pleine d'ambiguïté sur des questions telles que le chômage et la pauvreté. La gauche de la gauche, extrêmement divisée, n'a pas réussi à capitaliser et à convaincre sur ses positions car sa ligne politique sans un programme fédéral clair reste peu lisible au-delà des cantons de Genève, Vaud et Neuchâtel.

Il est donc urgent qu'un débat le plus large possible s'ouvre au sein de la gauche suisse pour définir un programme et une stratégie pour stopper la progression de l'UDC, de son message xénophobe et de ses fausses solutions exprimées par des initiatives de plus en plus absurdes, telles que l'initiative de mise en œuvre de l'initiative "Pour le renvoi effectif des étrangers criminels" approuvée en 2010 et sur laquelle le peuple doit se prononcer le 28 février, et l'initiative "Contre l'immigration de masse" déjà approuvée en février 2014, qui accroîtra la pression sur les conditions de vie des travailleurs immigrés sans résoudre aucun problème concret.

Si le peuple donne raison le 28 février 2016 une fois de plus à l'UDC, l'effet sur le plan juridique sera que dans l'application de ces initiatives, les juges se verront privés de leur pouvoir d'appréciation dans l'application au profit des services administratifs et de police des étrangers. L'ensemble de l'immigration en Suisse est criminalisée. Chaque immigré se verra soumis à une disciplinarisation telle au quotidien qu'elle diviserait  les salariés entre suisses et immigrés et surtout conforterait ces préjugés xénophobes et racistes,  fonds de commerce de la droite extrême, qui consiste à penser que chaque immigré est un criminel potentiel.

Mobilisons-nous pour empêcher une nouvelle victoire de la droite extrême. Osons dire haut et fort que les immigrés sont indispensables à la vie de ce pays.

Vaud : Elections à la municipalité de Lausanne

Bien que le bilan de l'exécutif de gauche lausannois ne soit pas tout à fait positif, car il y a eu une imprévoyance manifeste dans les domaines de l'emploi et du logement, mais aussi de la poussée de la pauvreté - ce qui se vérifie notamment par des chiffres inquiétants du nombre de personnes  qui émergent au Revenu d'Insertion - il faut battre la droite à ces élections. Il faut tout faire pour que les électeurs donnent une majorité claire aux forces de gauche et que la gauche de la gauche se renforce aussi bien au conseil communal qu'à l'exécutif de la commune. Un effort militant doit être fait pour que les travailleurs immigrés participent à ces élections et soient sensibilisés aux questions politiques. En effet, un effort particulier doit être fait dans ce sens car les différentes initiatives et l'offensive de l'UDC dépolitisent une partie des immigrés qui ne se sentent pas légitimés à participer à la vie politique. Une autre partie de ces immigrés théorisent ouvertement le fait qu'ils seront mieux acceptés par la population du pays d'accueil s'ils ne se mêlent pas de la vie politique.

Barrons la route à la droite, votons massivement Rouge-Vert-Rose, renforçons la gauche de la gauche à l'exécutif, au conseil communal de Lausanne et de Renens !

France

La gravité des actes visant à modifier la loi sur la nationalité pour les doubles nationaux nés en France, de la part du gouvernement français, sont condamnables à plusieurs titres. Cela met à bas un principe pour lequel la gauche française s'est battue tout au long de son histoire. Il faut se rappeler que c'est la gauche issue de la révolution française qui, au XIXème siècle, s'est battue pour le droit du sol (jus soli) contre le principe aristocratique et raciste du droit du sang (jus sanguinis). Ce dernier était défendu par les pires moyens par toutes les aristocraties européennes et a été repris par les extrêmes-droites racistes et xénophobes tout du long du XXème siècle en Europe. C'est sur le principe du jus soli qu'est né le concept de nation multiraciale et multiculturelle contre le concept de jus sanguinis qui fondait le concept de nation sur l'idée d'une ''race'' unique.

Le glissement de Hollande et de Valls vers l'idée qu'on peut priver de nationalité une personne née sur le sol national porte atteinte au principe du jus soli. Il faut condamner et combattre de toutes ses forces les visées terroristes des membres de Daesh, mais s'attaquer au jus soli ne résoudra en rien le problème posé par le terrorisme. Cette erreur politique est d'autant plus inquiétante que le dernier gouvernement français ayant pratiqué cette mesure de déchéance de nationalité était le régime du Maréchal Pétain, antisémite et collaborationniste. Depuis la fin de la guerre, l'organisation politique Ordre Nouveau de M. J.-M. Le Pen et son successeur, le Front National, ont popularisé cette idée. Monsieur N. Sarkozy a tristement repris cette idée lors de sa présidence dans le but d'attirer vers lui l'électorat de la famille Le Pen. Il faut rester attentif aux événements politiques qui tendent à récupérer ces idées de l'extrême-droite des années 30 qui pénètrent même dans les exécutifs sociaux-libéraux en Europe. Sans quoi, nous continuerons à avoir des gouvernements imposant au peuple travailleur des politiques d'austérité, et risquons d'avoir aussi des gouvernements introduisant des principes juridiques pouvant mener à des politiques racistes d'Etats telles que l'Europe a déjà connu durant les décennies précédant la deuxième guerre mondiale (1939-1945). Face à cela, il est temps de créer en Europe des fronts anti-xénophobes militant sur le plan idéologique, syndical et politique et pour une Europe sociale et unie.

8 février 2016

Copyright © La Lettre Libre

 

Tous droits réservés. La reproduction de ce qui est publié est consentie, à condition de citer la source et l’auteur, et soumise au droit d’auteur.

Actu | Politique | Archives | Espagnol | Italien | Culture | Sport