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SUISSE Par Enrique Juan Crema 3ème Congrès interrégional de solidaritéS - 23 au 24 septembre 2016 Les organisateurs de ce 3ème Congrès interrégional de l'organisation politique solidaritéS avaient décidé qu'une partie de ses délibérations serait ouverte au public : une partie vendredi 23 septembre et une autre partie samedi 24 septembre après-midi. Les informations qui suivent découlent donc de la présence du correspondant de La Lettre Libre à ces moments ouverts au public. Vendredi soir, dans un premier temps, il a été rendu hommage à feu M. Pierre-Yves Oppikofer, il a été rappelé qu'il a été militant à la Ligue marxiste révolutionnaire, qu'il a séjourné au Nicaragua lors de la révolution sandiniste, qu'il fut un infatigable syndicaliste et lutteur social et aussi un des membres fondateurs de solidaritéS. L'hommage se conclut par un émouvant applaudissement de la centaine de militants présents et par la citation de la phrase suivante de D. Bensaïd : "militer n'est pas une passion triste". Ensuite, il y a eu une introduction sur la situation politique suisse aujourd'hui et la construction de solidaritéS. Un dirigeant de solidaritéS s'est attaché à noter quelques faits qui ont transformé à son avis le paysage politique depuis 2013, l'apparition sur le champ politique de courants nouveaux aux Etats-Unis représentés par Trump et Sanders, du Brexit de l'Angleterre, l'évolution énigmatique de la Chine et de divergences qui seraient apparues au sein de la bourgeoisie helvétique. Par ces éléments, l'orateur ouvrait le débat s'interrogeant sur les effets dans la progression du mouvement d'émancipation éco-socialiste, et si le rapport de force entre le mouvement critique s'améliorait ou pas vis-à-vis de la bourgeoisie. Suite à cette introduction, il fut rappelé que des amendements avaient été présentés aux textes de cette première partie analytique. Différents militants sont intervenus pour questionner si les divergences réelles s'étaient fait jour au sein des deux blocs qui dominent la politique suisse depuis les années 80. C'est-à-dire d'une part, le courant guidé par l'Union démocratique du centre, l'Union des paysans suisses, et d'autre part le courant guidé par le Parti libéral radical, Economiesuisse et l'Union des banques suisses. En parallèle, il fut remarqué que le Parti socialiste, participant au Conseil fédéral, se débat entre des courants contradictoires en son sein. Une partie des intervenants défendait l'idée qu'il n'y a pas de véritables divergences au sein du bloc bourgeois ou du moins, si elles existent, elles ne sont que purement électorales. D'autres semblaient insister sur le fait que certaines fractures seraient apparues entre l'UDC et le PLR, notamment sur les questions liées aux Accords bilatéraux avec l'Union Européenne. Mais c'est sur la nature du Parti socialiste que le débat devint plus dense; certaines interventions allaient nettement dans le sens de caractériser ce parti gouvernemental comme ayant achevé sa mue sociale-libérale. D'autres estimaient que les débats au sein du principal parti de la gauche continuent entre des tenants d'une certaine social-démocratie et le social-libéralisme qui anime de plus en plus la direction du parti; étonnamment, les uns et les autres esquivaient l'analyse sur l'aile syndicale du Parti socialiste, du moins à ce moment-là du débat. En filigrane, plusieurs interventions mettaient en avant que la situation internationale montrait une exacerbation des contradictions du système, qu'il faut donc être attentifs aux conséquences politiques. Car, si dans certains pays émergents des mouvements de résistance de masse ouvrent des brèches temporaires en faveur des salariés (Grèce, Portugal, Espagne), dans d'autres régions, la tendance lourde, extrêmement inquiétante, serait en faveur des conservateurs, de la réaction voire de mouvements fascistes. Donc, les uns et les autres s'accordaient malgré des sensibilités diverses, pour dire qu'au sein des dominants, des divisions apparaissent peut-être, elles peuvent perdurer mais elles peuvent aussi disparaître rapidement, par le fait de la méthode des gouvernements bourgeois à géométrie variable, avec ou sans la collaboration du Parti socialiste dont la dynamique sociale-libérale se renforce. Certains militants faisaient remarquer que la crise socio-économique et politique est grave en Europe, même s'il y a l'élection de Corbyn à la tête du Parti travailliste en Angleterre, il y a aussi l'émergence inquiétante des néo-nazis à Berlin, mais il y a aussi l'apparition de mouvements tels que Nuits debout en France, Die Linke en Allemagne ou Podemos en Espagne. Il s'agit donc de comprendre qu'il y a ces polarisations qu'il faut analyser en Europe. Par ailleurs, un militant syndicaliste est intervenu pour rappeler que dans ce contexte général européen, nous assistons en Suisse aussi à une contre-réforme néolibérale par ces faits nouveaux; il y a 11.5% de chômeurs et de sous-employés, une précarisation des conditions de travail et de vie, des attaques contre l'AVS, l'assurance-invalidité et le système d'assurances, et qu'à la volonté manifeste de la bourgeoisie d'intégrer le PS à la gestion des affaires bourgeoises, le PS répond par une acceptation sans limites, illustrée par la récente augmentation de l'âge de la retraite des femmes à 65 ans avec la possibilité de travailler jusqu'à 67 ans pour tout le monde. Il faut se demander donc si ce parti n'est pas, dans les faits, un parti bourgeois; d'un autre côté, il insistait aussi sur le fait que l'UDC renforce son hégémonie culturelle, qui s'exprime par les scores des initiatives néo-patriotiques, que la crise de la gauche en Suisse s'exprime aussi au niveau électoral par une stagnation autour de 27%, PS compris, que les syndicats ont perdu un tiers de leurs membres et que les résultats électoraux de la gauche de la gauche sont mauvais. Ce qui équivaut à dire qu'il n'y a pas de projet de gauche en Suisse. La question pertinente centrale devient: «comment refonder un projet de gauche en Suisse ?». Plusieurs intervenants rétorquèrent que malgré ces faits extrêmement défavorables, la gauche de la gauche arrivait à se maintenir sur plusieurs cantons, en participant à des initiatives sur l'asile, le salaire minimum, le temps du travail, la défense des droits des femmes, défense et appui à des salariés en lutte, et qu'au sein de ce courant, solidaritéS semblait à leur avis plutôt bien se porter. Par la suite, plusieurs interventions revenaient sur la question de l'attitude à avoir par rapport au PS. Une véritable indignation parcourait l'assemblée quand on parlait du paquet Berset et des attaques aux femmes et aux retraités. D'autres insistaient sur le fait que ce parti reste malgré tout sociologiquement partiellement lié à des couches salariées, qu'il fallait donc être attentifs aux contradictions qui l'habitent. Concernant les Verts, les interventions allaient dans le sens de faire remarquer la rapide intégration du Parti écologiste aux institutions et aux inerties que cela implique. D'autres nuançaient en apportant des exemples de militants verts qui participaient aux initiatives, du moins au niveau communal, de la gauche de la gauche. A la fin de ce moment du débat, il semblait y avoir un accord largement majoritaire sur le fait qu'en ce qui concernait l'immigration, l'asile et la sécurité, des contradictions de plus en plus fortes vont traverser les courants politiques majoritaires dans la gauche actuelle. solidaritéS se positionne sur ces terrains clairement dans une attitude de défense des libertés fondamentales et des acquis sociaux, donc dans le camp de la résistance à la droitisation et pour le développement du courant anticapitaliste. Résolution éco-socialiste Le samedi 24 septembre 2016, dès 14h00, le Congrès était à nouveau ouvert au public, nous sommes donc allés assister au débat sur la résolution éco-socialiste. Ce débat était organisé autour d'un texte de base et quatre amendements avaient été présentés. Les animateurs ont d'emblée spécifié que l'ensemble de ces textes devaient permettre un débat qui soit un début d'ébauche de programme sur cette question, qui permette d'aller vers des associations engagées dans ces luttes, et sur l'ensemble des thèmes écologiques, afin d'élargir et de développer des actions liées à la sauvegarde de l'environnement et de la nouvelle société que ceci implique. D'emblée, dans le débat, le livre «Mais qu'est-ce que l'éco-socialisme?» de MichaeI Löwy semblait le référent intellectuel commun des intervenants. Les débats ont été vite extrêmement riches sur les revendications et buts suivants :
Une synthèse de ces différentes interventions sera travaillée par une commission interne qui aura aussi pour objectif de hiérarchiser ces revendications et d'établir des mesures transitoires. Ce mandat donné à une commission fut voté à la majorité et sera présenté et discuté lors d'une prochaine conférence interrégionale, dans un délai d'une année. Résolution féministe En fin d'après-midi fut introduite la deuxième résolution : résolution féministe. Cette résolution portait sur la défense des droits des femmes dans tous les domaines de leur vie, elle doit permettre à l'ensemble des militantes et des militants d'intervenir sur cette question, aussi bien dans les instances où solidaritéS est représentée que dans les associations qui mènent les luttes dans la société. Plusieurs interventions insistaient sur le fait qu'un travail de déconstruction des pratiques et des stéréotypes de genres devait être fait dans la société capitaliste. Qu'il fallait se donner les moyens internes de lutter contre le sexisme; d'autres insistaient sur la nécessité de développer des luttes pour le travail égal à salaire égal, pour le congé parental et de paternité, pour le partage des tâches domestiques, pour obtenir des droits pour les travailleuses et travailleurs du sexe et les prostituées et pour exiger la parité dans les instances de l'organisation; plusieurs intervenantes insistaient qu'il faut faire émerger un mouvement autonome des femmes et que ce mouvement se devait d'être anti-capitaliste et anti-impérialiste. Par ailleurs, le débat s'est aussi porté sur le mode de construction d'un mouvement large, certains semblaient donner comme objectif un investissement prioritaire vers la préparation de la Marche mondiale des femmes. D'autres faisaient remarquer que sans être en désaccord avec ce choix, elles estimaient que les forces devaient aussi être déployées vers d'autres secteurs. Ce débat fut extrêmement riche et animé; il s'est prolongé jusqu'à tard dans l'après-midi. L'ensemble de ce courant politique affirmait sa volonté d'être présent dans toutes les luttes qui concernent les droits des femmes, aussi bien en Suisse qu'en Europe ou dans le monde, dans la mesure du possible. Il a été décidé ; 1. de continuer la bataille sur le front des retraites avec le lancement d'un Manifeste pour la fusion de l'AVS et du 2ème pilier 2. campagne de longue haleine contre la troisième réforme de l'imposition des entreprises (RIE 3) et ses déclinaisons fédérales, cantonales et communales par des programmes d'austérité renforcés 3. mobilisation contre le renforcement permanent des politiques de restriction de la libre-circulation et de répression des migrant-e-s et de requérant-e-s d'asile, mais aussi contre la montée de la xénophobie et du racisme qui les accompagne 4. lancement d'un référendum contre l'interdiction de la mendicité dans le canton de Vaud. Il faut noter que dans le numéro 295 du journal solidaritéS, un compte-rendu de ce 3ème Congrès interrégional a été publié sous la plume de Jean Batou. Les textes de ce Congrès peuvent être directement obtenus en s'adressant aux directions cantonales de ce mouvement. A lire absolument Le PubliCetim publie un livre qui traite de l'extractivisme, intitulé : "La passion du schiste: capitalisme, démocratie, environnement en Argentine", ouvrage collectif en collaboration avec Observatorio Petrolero Sur, avec une préface d'Adolfo Pérez Esquivel. Ce livre publié par le Cetim est un livre nécessaire pour mener un débat démocratique sur le fracking, non seulement dans la Patagonie argentine, gisement de Vaca Muerta, mais aussi en Suisse, notamment dans le canton de Vaud. Ce livre a été présenté à Lausanne, lors d'une conférence publique avec des orateurs argentins, français et suisses, organisée par le Comité anti-forages du canton de Vaud. Pour la suite du débat à ce sujet, ce livre est indispensable. A commander sur : www.cetim.ch - [email protected]. 12 octobre 2016 Copyright © La Lettre Libre
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